Tu roules entre les mains de la fibre de coton, pleine de petits fils blancs. Tu fabriques une grosse laine de coton solide. Tu prends encore de la fibre de coton et tu la roules avec les autres. Tu fais cette laine pour fabriquer ton prochain dhoti, un pantalon indien tout blanc. Ça y est, tu as terminé. Tu te lèves et retires avec la main la poussière du dhoti que tu portes. Tu boycottes les vêtements anglais, tu refuses d’en acheter ou d’en porter. Alors, tu fabriques tes propres vêtements. Tu regardes autour de toi. Des hommes et des femmes sont venus te voir. Comme toi, ils boycottent les produits anglais. Comme toi, ils portent des dhotis blancs. Pour les saluer, tu inclines la tête en te penchant un peu vers l’avant. C’est le salut traditionnel en Inde. Puis, tu regardes le ciel. Mmmm, c’est une belle journée pour partir enfin !
Tu te retournes et tu rentres dans ton ashram, la maison où tu t’isoles pour réfléchir, où tu aimes rester seul. Tu entres dans ta chambre. Elle est très simple, juste un lit à terre et une petite table. Tu vis dans la simplicité à l’ashram. Tu te penches et enfiles tes sandales. Puis, tu attrapes ton bâton de marche, posé contre le mur. Tu ressors de la chambre. Les hommes et les femmes sont toujours là, ils t’attendent dans le calme. Tu lèves ton bâton en l’air en signe de départ. Tu quittes l’ashram, tu commences à marcher et tous te suivent. Tu marches sous le soleil. Cette marche est importante. Elle peut éviter une guerre entre les Indiens et les Anglais. Tu t’essuies le front, puis tu te retournes. Tu souris aux gens qui te suivent. Tu es content, tu montres l’exemple. Tu manifestes, tu exprimes tes idées au gouvernement anglais, les chefs de ton pays, uniquement par la non-violence… Tu marches, tout simplement.
Déjà une semaine, 7 jours que tu marches. Tu te retournes, tu replaces tes lunettes sur le nez. Oh, tu es à la fois surpris et content ! Tu vois une grande foule de gens qui te suit. De plus en plus de nouvelles personnes se joignent à toi tous les jours. Tu souris et reprends ta marche. Ils comprennent. Eux aussi manifestent par la non-violence, sans agressivité et sans guerre ! Tu prends une grande respiration. Brrrr, l’air est frais. Il pleut aujourd’hui. Ton dhoti est mouillé. Mais tu continues de marcher. Tu appuies ton bâton sur une roche à terre, et hop ! Tu sautes par-dessus une flaque d’eau. Tu marches encore. Tu as les jambes endurcies. Tu marches lentement et en silence depuis 24 jours maintenant ! Presque un mois ! Tu as marché plus de 350 kilomètres ! Soudain, tu lèves la tête, tu sens l’air… Mmmmm...Tu sens l’odeur de l’océan, une odeur de poisson frais. Ça y est, vous êtes enfin arrivés ! Tu t’arrêtes un instant et prends une grande respiration. Là… tu vois enfin l’océan Indien, une immense mer remplie d’eau salée. Tu replaces tes lunettes sur le nez. Wouah, comme c’est beau ! Tu t’appuies sur ton bâton et tu réfléchis.
Il y a beaucoup de sel dans l’océan Indien. Les Anglais prennent ce sel et le vendent dans le monde entier. Tu fais une grimace. Malheureusement, les Anglais interdisent aux Indiens d’en ramasser ! Tu prends une grande respiration. Tu trouves cela injuste, l’Inde est aussi le pays des Indiens ! Tu reprends ta marche, tu veux atteindre l’océan. Une foule immense te suit maintenant. Il y a aussi plein de journalistes, ils te prennent en photo. Tu arrives enfin sur la plage. Les pieds s’enfoncent un peu dans le sable humide. Tu regardes à terre. Le sable brille. Il y a beaucoup de sel dans le sable. Tu souris et tu te penches. D’une main, tu prends une grosse poignée de sable salé. Tu entends les journalistes. Ils prennent ton geste en photo et la foule t’entoure complètement maintenant…
Tu te redresses, la main pleine de sel. Tu tournes sur toi-même calmement, tu tends la main pleine de sel, pour que tous te voient. Tu entends les murmures. Tu souris. Tu fais de la désobéissance civile. Tu refuses d’obéir aux règles imposées par les Anglais. TOI, un Indien, tu prends du sel ! Tu te retournes encore, la main toujours tendue. Tu vois tes compagnons indiens se pencher et prendre du sel comme toi. Tu souris, car tu le sais : la désobéissance civile a commencé.